12 novembre 2012

Réflexions sur la condition universitaire


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Le Nouvelliste | Publié le : mardi 23 octobre 2012

Une perspective de révision équitable des conditions de travail des enseignants aux différents niveaux ou ordres d'enseignement

Auteur:Par Kénold MOREAU, Ph.D., M.A., B.A. Éducation comparée Administration prospective Politiques de l'éducation



Contexte (1ère Partie)

  • État de l’éducation en Haïti

Le système éducatif haïtien est partagé entre le secteur public et le secteur privé. Celui-ci dispose de 1957 écoles sur un total national de 2 148. Ainsi 91% des écoles du 3e cycle et du secondaire appartiennent au secteur non public. Ces 2148 écoles du 3e cycle et du secondaire réunissent un effectif de 430 720 élèves des deux sexes sur un effectif national de 573 436 élèves.

Le secteur privé contrôle donc 75% des effectifs de ce sous-secteur d’enseignement. Dans les effectifs de ce secteur, les filles sont légèrement majoritaires avec 51% soit 218 456 élèves contre 212 264 garçons (49%).

En répartissant ces effectifs par année d’étude et par sexe, il résulte, en nombre absolu et en pourcentage, que la participation des filles est égale ou supérieure à celle des garçons.

Le secteur privé réalise un plus gros effort en faveur de la participation accrue des filles dans le système d’enseignement haïtien en général et dans l’enseignement secondaire en particulier. Mais l’effort déployé par l’État dans le même sens, quoique minime en apparence, ne devrait pas être sous-estimé. Depuis les années 1980 et davantage après la conférence mondiale sur l’éducation, pour tous tenue à Jomtien (en Thaïlande), les réformes de l’éducation initiées et poursuivies par l’État jusqu’à nos jours, orientent, encouragent les efforts et suscitent en quelque sorte cette synergie développée par les parents d’élèves et le secteur non public d’enseignement.

Mais il demeure qu’environ 1 500 000 enfants d’âge préscolaire ne fréquentent aucun centre éducatif. Environ 500 000 enfants d’âge scolaire ne sont accueillis dans aucune école fondamentale.

L’enseignement fondamental du troisième cycle (6e à 4e secondaire) et l’enseignement secondaire (troisième à philo) réunissent 573 436 élèves soit un écart de 1 531 139 élèves par rapport à l’enseignement fondamental (enseignement primaire) dont l’effectif est de 2 104 575.

Les diagnostics du système éducatif haïtien, publiés bien avant le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui a particulièrement affecté l’univers d’enseignement dans le pays, principalement dans les départements de l’Ouest et du Sud-Est, ont souvent mis l’accent sur deux sortes de clivage qui limitent de façon singulière la pertinence de l’enseignement dispensé aussi bien au niveau général qu’au niveau technique et de la formation professionnelle. Par exemple :

(1) La dichotomie enseignement technique et professionnel/enseignement général;

(2) Le clivage entre l’enseignement technique et la formation professionnelle : absence de complémentarité et d’articulation entre la formation initiale et la formation continue, caractère trop scolaire ou diplômant;

(3) Le clivage entre le dispositif formel de formation et le système d’apprentissage en entreprise : absence quasi totale de relation et de complémentarité, notamment en matière de préparation à l’insertion professionnelle.

Cette situation peut s’attribuer à la faible capacité du dispositif d’un système scolaire pas du tout ou peu orienté, à la faible capacité aussi du dispositif de l’enseignement technique et de la formation professionnelle à identifier les besoins par rapport au marché de l’emploi, à programmer, à planifier, à exécuter et à suivre les enseignements et les formations aux divers niveaux, en assurant une utilisation judicieuse des ressources des diverses composantes du système d’enseignement et de formation.

Dans un contexte de mise en œuvre de la politique d’éducation et de formation pour la reconstruction d’Haïti, il conviendrait de dynamiser les systèmes et sous-systèmes d’enseignement et de formation par l’amélioration de leur qualité et la diversification de l’offre en vue d’une meilleure adéquation aux besoins de l’économie, du social et de la culture.

Cette diversification est tout aussi nécessaire dans la condition enseignante car, actuellement, il ne se constate pas de grande diversité de situations chez les enseignants haïtiens. Cette diversification est d’autant moins apparente dans les pratiques, dans les conditions d’exercice voire dans les approches du métier d’enseignant à tous les ordres d’enseignement.

Dans la perspective de dynamisation des systèmes et sous-systèmes d’enseignement et de formation en vue de la reconstruction du pays, l’enseignant/l’enseignante compétent (e), par sa formation, son expérience et son engagement, a un rôle déterminant à jouer, à quelque ordre d’enseignement qu’il œuvre.

Or, actuellement, en Haïti, la qualité de l’éducation laisse beaucoup à désirer. Cela est dû en grande partie à la situation des enseignants et éducateurs à tous les niveaux, comme l’indiquent les réalités décrites ci-dessous.

Condition enseignante

La situation des enseignants en Haïti

En Haïti comme ailleurs, le rôle de l’enseignant (e) est bien perçu. Nul n’ignore qu’un enseignant qualifié constitue avec d’autres de ses collègues la pierre angulaire d’un système éducatif efficace. L’enseignement fait partie des professions extrêmement gratifiantes. Cependant, en Haïti, ce métier perd de plus en plus de son prestige en raison, d’une part, du traitement qui est réservé aux enseignants, d’autre part au manque de qualification qui caractérise la plupart de ceux qui l’exercent.

En 1998, le Ministère de l’Éducation nationale a introduit un régime d’assurance maladie en faveur des enseignants. Plus de douze ans après, l’application de cette importante mesure souffre d’un grand défaut d’application. Actuellement, un enseignant diplômé touche, quelle que soit son ancienneté dans la carrière, pas plus de 5 000 gourdes (125 dollars américains) comme salaire net par mois. Environ 80% de tout le personnel de l’enseignement fondamental, n’ont aucune qualité exigée pour exercer la profession enseignante. Avec un tel salaire de misère, l’enseignant haïtien en général est un citoyen instruit, qui vit en dessous du seuil de la pauvreté, aux prises à des calamités de toutes sortes, en l’occurrence, la faim, la maladie, privé de logement et des soins primaires et absolument incapable de subvenir aux besoins les plus élémentaires de sa famille. C’est donc un personnel complètement démotivé et frustré.

Au niveau du secondaire

A ce niveau, il est souvent dénoncé un certain blocage occasionnant un déficit de rendement. Cela est dû essentiellement au fait que les professeurs ne dispensent, pour la plupart, qu'un ou deux cours par semaine. Ainsi passent-ils la majeure partie de leur temps loin de leurs élèves, hors de l’établissement où ils sont affectés. Ceux qui sont des titulaires de l’établissement, responsables de plus de deux cours, ne restent sur place que le temps de ces cours. Il faut dire aussi que les emplois du temps sont conçus, par compromis avec l’administration, pour limiter le temps de présence des enseignants dans l’établissement. D’ailleurs, très peu de ces professeurs ont la qualification et les compétences requises pour dispenser les cours de leur charge. Certes, ce sont, pour la plupart, des universitaires, non des normaliens ; des vendeurs de cours, le maximum possible, aux lycées et écoles secondaires de la place, situés dans le même rayon, minimisant ainsi les temps de déplacement, bousculant les élèves afin de ménager du temps pour accumuler des heures payées comme un «per diem». La conséquence de tout cela est que les élèves ne sont pas encadrés, les cours sont bâclés et le résultat est comparable à rien. Tout cela est dû au fait que la plupart des professeurs au niveau secondaire n’ont pas de statut et ne reçoivent qu’une pitance comme salaire, sans aucun avantage social.

Au niveau de l’enseignement technique et la formation professionnelle

Dans l’enseignement technique et la formation professionnelle,la qualité de l’enseignement laisse autant à désirer si tant est que les professeurs ne bénéficient d’aucun système de formation continue et les moyens d’enseignement sont en général rares et souvent inexistants. De surcroît, les services préposés au contrôle de la qualité de la formation dispensée sont depuis longtemps inopérants. Même dans les établissements publics, le contrôle de l’État laisse à désirer.

En général, l’enseignement technique et professionnel ne répond pas encore à sa mission première et légitime qui consiste à préparer leurs clientèles à la vie active en les dotant d’une qualification mesurée en fonction des besoins de la main-d’œuvre. Car, l’adaptabilité et la productivité de la main-d’œuvre sont les principaux objectifs que devrait viser et atteindre le secteur technique et professionnel pour doter les travailleurs spécialisés et les techniciens de la qualification indispensable à l’amélioration de leurs conditions de vie et à leur contribution effective au développement économique et social du pays.

Bref, la condition enseignante en Haïti est actuellement caractérisée par :

1o) le manque de formation générale et technique (le manque de qualification) des enseignants pour accomplir les tâches qui leur sont dévolues;

2o) le bas niveau de salaire;

3o) le manque de motivation pour améliorer la qualité de l’enseignement dispensé;

4o) l’insécurité caractérisée d’une part, par le mauvais comportement et la démotivation des élèves (perturbation des cours), d’autre part, par un environnement physique scolaire inadéquat;

5o) la carence de matériel didactique;

6o) le retard dans le paiement du bas salaire;

7o) l’éloignement par rapport au lieu de travail non compensé par l’attribution de transport;

8o) les mauvaises relations de travail.

9o) le stress permanent comme conséquence des anomalies énumérées aux points 1 à 8 ci-dessus.

Autant de critères d’insatisfaction à la tâche d’enseignement en Haïti.

LA CONDITION ENSEIGNANTE, UN PROJET SOUHAITABLE

L'un des objectifs du millénaire est l'Éducation pour tous (EPT) dans le monde en l`an 2015. En Haïti, l'État préconise la scolarisation universelle. L'une des conditions pour atteindre ce louable objectif est de concevoir et de mettre en œuvre, effectivement, un projet d'amélioration de la (des) condition (s) enseignante (s) comme mesure indispensable d’accompagnement. Car, le succès de tout programme de scolarisation universelle dépend grandement de la qualité et de la motivation des enseignants à tous les niveaux du processus.

Objectifs de ce projet

Les principaux objectifs de ce projet sont de:

1o) produire une évaluation en profondeur des conditions de travail du personnel enseignant, du personnel de gestion scolaire, tenant compte de leur comportement, de leur traitement et de leur rendement;

2o) formuler des recommandations en vue d’une révision équitable de leurs conditions de travail favorisant leur rétention, leur rendement optimal et le renouvellement du personnel qualifié.

Cadre conceptuel de la condition enseignante

Le principe à la base de ce projet s’inspire de celui de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui, à travers son Bureau international du travail (BIT), a émis à peu près ceci :

A chaque poste de travail donné, correspond un niveau de compétence donné, induisant un niveau de salaire.

Selon l’Unesco (octobre 1966) « le mot enseignant désigne toutes personnes qui, dans les écoles, ont charge de l’éducation des élèves». Elle définit le mot «condition» appliqué aux enseignants comme désignant à la fois la position qu’on leur reconnaît dans la société, selon le degré de considération attachée à l’importance de leur fonction, ainsi qu’à leur compétence, et les conditions de travail, la rémunération et les autres avantages matériels dont ils devraient bénéficier, comparés à ceux d’autres professions.

Le champ d’application concernant la condition du personnel enseignant, dont les principaux critères de satisfaction sont indiqués ci-dessus et détaillés plus loin dans ce texte, s'applique à tous les enseignants oeuvrant dans les établissements publics ou privés d’éducation préscolaire (écoles maternelles et jardins d’enfants), d’enseignement fondamental, secondaire ou moyen, général, technique, professionnel ou artistique.

Parmi les principes directeurs universellement admis et énoncés par l’Unesco°, il convient de noter :

1o) Il devrait être reconnu que le progrès de l’enseignement dépend dans une grande mesure des qualifications, de la compétence du corps enseignant, ainsi que des qualités humaines, pédagogiques et professionnelles de chacun de ses membres;

2o) La condition des enseignants devrait être à la mesure des besoins en matière d’éducation, compte tenu des buts et objectifs à atteindre dans ce domaine. Afin que ces buts et objectifs soient atteints, il faut que les enseignants bénéficient d’une juste condition, et que la profession enseignante soit entourée de la considération publique qu’elle mérite ;

3o) L’enseignement devrait être considéré comme une profession dont les membres assurent un service public; cette profession exige des enseignants non seulement des connaissances approfondies et des compétences particulières, acquises et entretenues au prix d’études rigoureuses et continues, mais aussi un sens des responsabilités personnelles et collectives qu’ils assument pour l’éducation et le bien-être des élèves dont ils ont la charge.

4o) La formation et l’emploi des enseignants ne devraient donner lieu à aucune forme de discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale ou la condition économique.

5o) Les conditions de travail des enseignants devraient être de nature à favoriser au maximum l’efficacité de l’enseignement et permettre aux enseignants de se consacrer pleinement à leurs tâches professionnelles.

6o) Il convient de reconnaître que les organisations d’enseignants peuvent contribuer grandement au progrès de l’éducation et qu’en conséquence elles devraient être associées à l’élaboration de la politique scolaire.

Il convient non seulement d’évaluer régulièrement le rendement de l’enseignant, mais aussi d’examiner périodiquement le degré de sa satisfaction au travail, en tenant compte des critères bien précis. Car, un enseignement efficace est indispensable pour améliorer les résultats des élèves et réduire les écarts de rendement.

Le système d’évaluation du rendement de l’enseignant et de l’enseignante fournit à celui-ci/celle-ci des éléments utiles, non seulement à l’amélioration de l’apprentissage mais aussi au développement professionnel.

L’amélioration continue de la condition enseignante constitue une reconnaissance de la nécessité de développer et de répandre un enseignement général et un enseignement technique et professionnel de qualité, en vue de tirer pleinement parti de toutes les aptitudes et ressources intellectuelles existantes, condition nécessaire à la promotion des valeurs morales et culturelles ainsi qu’à un progrès économique et social continu.

____________

°UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture

Principaux critères de satisfaction à la fonction enseignante

Les recherches sur la condition enseignante font ressortir les principaux critères de satisfaction des enseignants et des enseignantes en s’arrêtant particulièrement sur :

l'effectif des classes

la disponibilité d’un personnel auxiliaire

la disponibilité d’auxiliaires d’enseignement

la durée du travail des enseignants

les congés payés annuels

les congés d’études

les congés spéciaux

les congés de maladie ou de maternité

les échanges d’enseignants

les bâtiments scolaires

les dispositions spéciales applicables aux enseignants dans les régions rurales ou éloignées

le traitement des enseignants

la sécurité sociale

Les critères énumérés ci-dessus constituent des conditions de base pour la satisfaction à la fonction enseignante. Ce sont également des conditions minimales qui contribuent à l’efficacité de l’enseignement.

 

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